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PORTRAIT DE CREATRICE #9 – Avril 2023

Soumya, Subecha

Peux-tu te présenter en quelques mots ?

Je suis Soumya Tahiri Treillou, j’ai 46 ans, 2 enfants et je vis à la campagne, à Latresne, à 15km de Bordeaux.

J’ai créé la marque Subecha en 2020. C’est un mot sanskrit qui vient du yoga. Pour expliquer rapidement, il y a 7 étapes vers la connaissance ultime pour les bouddhistes et la 1ère étape s’appelle « Su bêcha ». C’est l’étape de la prise de conscience de ce sur quoi il va falloir travailler, ce qu’il va falloir abandonner pour entrer sur le chemin vers l’élévation spirituelle totale. Je pense que tout changement, tout progrès, toute avancée commence par ce type de prise de conscience. Cela m’a donc semblé un nom cohérent pour ma marque !

Comment en es-tu arrivée là ?

A la base, j’ai suivi une formation en marketing dans une grande école et j’ai travaillé pendant des années en grande conso, sur des études de marché. J’ai créé ma boîte en arrivant à Bordeaux en 2012. Suite à des soucis de santé – j’ai eu un cancer – et à un burn-out, j’ai complètement changé de voie pour me reconvertir en professeur de yoga, en 2018. En parallèle, je me suis plongée dans l’activité de céramiste.

La crise du Covid a, de fait, fait évoluer la répartition entre le yoga et la céramique et cette dernière est devenue mon activité principale. Ça s’est bien développé et elle a représenté, pendant longtemps, la plus grande partie de mon temps ! Aujourd’hui, je rééquilibre les deux activités et je développe du mentoring pour entrepreneurs en complément du yoga (ce sont des sessions qui mêlent travail du corps et de l’esprit). La tendance s’inverse petit à petit et la céramique représente plutôt désormais 40% de mon temps.

Au final, je me suis reconvertie en 2018 mais je me suis déjà réinventée deux fois depuis ! Quand je me suis lancée dans la céramique, c’était un territoire d’expression artistique qui m’avait manqué pendant mes années entrepreneuriales. Quand j’ai développé l’utilitaire, la création était là mais un peu contrainte, au service d’un objectif. Créer pour vendre entrave malgré tout une partie de notre créativité. Pourtant, j’ai besoin d’être libre de toute pression, financière ou de productivité, pour continuer à prendre du plaisir. D’où la remontée du yoga / mentoring pour me libérer, mentalement et « créativement » sur la partie céramique.

Mon parcours est plutôt cohérent dans l’ensemble. On peut penser que le marketing est quelque chose de très consumériste mais tout dépend de comment on le fait. On peut lui donner une forme particulière et le faire vivre avec ce en quoi on croit. C’est ce qui m’a suivie jusqu’ici : la forme oui mais au service d’un fond qui a du sens.

La notion de beau est également un fil rouge : j’ai fait du marketing dans la beauté, j’ai monté une boîte de cosmétiques où j’ai voulu mêler sens et beau, le yoga est l’alliance du bien-être et de l’harmonie et la céramique de l’utile et du beau. Le beau est quelque chose qui me parle beaucoup mais pas « le beau pour le beau » ! C’est le côté bien-être, apaisement, universalité qui me touche.

Comment définirais-tu ton métier ?

Mes multiples métiers !

Je dirai que le yoga / mentoring occupe la majeure partie de mon temps, mon activité principale, où je m’épanouis. La céramique reste une activité à part entière, avec plus d’espace pour exprimer ma créativité.

Qu’est-ce qui te plaît particulièrement dans ce métier ?

J’adore les histoires des choses et des gens. Quand les deux peuvent se rencontrer, c’est génial !

J’aime les aventures entrepreneuriales, les prises d’initiatives, tous les types de création. Toute création porte en elle les valeurs, les croyances, les rêves, les espoirs des personnes qui les portent. Et c’est ça qui fait l’histoire et rend chaque histoire unique. Même quand certains projets semblent similaires, ils sont en fait toujours différents !

Et je reviens à cette idée de forme et de fond, qui est un peu une obsession chez moi : la céramique qui mêle le beau et l’utile, le yoga qui fait bouger le corps mais qui a aussi une fonction quasi médicale.

J’aime cette idée de double fonction, c’est vraiment très important de servir les deux, toujours.

Comment décrirais-tu ta journée-type ?

Je n’ai pas vraiment de journée-type. Je refais très peu les mêmes choses. Je suis d’ailleurs un peu caricaturale sur le nombre de modèles créés depuis le lancement Subecha : je suis dans un mode « Gut feel » total ! Le concept de collection ou de catalogue est quelque chose de plutôt compliqué pour moi car je me renouvelle sans cesse. Mais ça existe, des céramistes qui font de l’utilitaire en « pièces uniques », ou en mini séries, et c’est vraiment vers ça que je veux tendre : créer des rencontres entre un objet et son futur propriétaire.

Comment imagines-tu tes nouvelles créations ?

Je crée en fonction de mes humeurs. Je visite des musées, des boutiques, je refais en grès des objets que j’ai découverts en bois ou dans d’autres matières, …

J’ai aussi une bibliothèque rien qu’à moi à la maison, avec uniquement des livres d’inspiration car j’en lis énormément : un univers fait de sport, de nature, très californien, très plein air, très brut, très surf. J’aime aussi le design nordique et l’authenticité de certaines pièces japonaises, notamment connues par le courant wabisabi. J’aime les matériaux, les textures ! Je vais aussi un peu sur Internet mais je suis une amoureuse des livres. Je me nourris de tout ce que je vois et ensuite j’ai besoin de transformer à travers mes mains.

Et ça m’arrive d’avoir des petites périodes. J’en ai notamment eu une autour de l’Europe du Nord et en particulier du Danemark (j’ai emmené ma petite famille plusieurs fois en vacances là-bas du coup !). Je trouve que le Danemark c’est le summum du beau utile !

Des difficultés dans ce métier ?

La solitude ! Je suis quelqu’un d’assez solitaire et pourtant cette solitude de la céramique est pesante, même pour moi. Je me suis rendu compte que j’avais besoin d’émulation, de partages, de m’intégrer dans une aventure collective. Heureusement le yoga m’a permis de compenser, en développant le mentoring d’entrepreneurs notamment : je continue à apprendre, ce qui est primordial pour moi, je m’enrichis et je me remets régulièrement en question.

Un autre aspect qui n’est pas simple à gérer, c’est le fait que la céramique est devenue plutôt tendance et on retrouve les biais propres au mode de consommation frénétique actuel : uniformisation des goûts, des prix, … On est pris en étau entre le fait de satisfaire le client, et donc de se rapprocher de la tendance, et la nécessité de rester nous-mêmes pour garder notre identité. C’est aussi vrai pour le yoga, cet effet de mode qui vulgarise. On perd de vue tout le sens que ces activités portent en elles : la céramique est un art ancestral avec des milliers de possibilités et le yoga, au-delà de la technicité des postures, est une vraie philosophie. Une part de mon travail consiste donc à continuer d’éduquer les gens, ce qui est parfois compliqué, pour continuer à pratiquer ces deux disciplines en cohérence avec leur sens profond.

Des conseils pour quelqu’un qui voudrait se lancer dans l’artisanat ?

J’écris des portraits de reconvertis avec une amie, Charline. Au-delà de mon avis, ce que je remarque dans la totalité de ces portraits c’est :

  • Ne pas négliger le volet entrepreneuriat. Ça se prépare : le volet financier, la vision, la mission. Ça se travaille sur un temps plus long que « je vais voir au jour le jour ».
  • Tester avant de se lancer et ne pas confondre passion et travail. C’est important de prendre ce temps de test avant de se lancer à 100%, ça peut éviter pas mal de déconvenues
  • Se faire confiance, même si c’est dur. Aujourd’hui, à l’ère des influenceurs, de la surinformation, du matraquage des réseaux sociaux, c’est compliqué d’avoir son propre avis, sa propre identité et de l’assumer. Il faut accepter de prendre de la distance par rapport à tout ça : s’éloigner du brouhaha ambiant pour suivre ses idées, ses convictions.

Enfin, quels sont tes projets pour la suite et tes actus ?

Comme je le disais un peu plus tôt, mon objectif pour cette année est vraiment de trouver un équilibre long terme entre céramique et yoga + mentoring. Depuis ce cancer, j’ai fait un gros travail sur moi, je me suis reconvertie, puis le covid a encore tout bousculé. En fait, depuis ma reconversion, j’ai déjà évolué mais le contexte ambiant aussi, il faut donc ré-ajuster un peu tout ça.

J’espère rentrer dans une phase de stabilité, sans m’ennuyer pour autant, où je serai dans une démarche d’amélioration mais pas forcément de changement.

Côté céramique, je vais me faire plaisir et travailler des petites séries. Le mot d’ordre sera vraiment de retrouver des aventures humaines, des histoires de personnes qui se rencontrent et font de belles choses ensemble !

Pour découvrir l’univers de Soumya et suivre ses actus, suivez-là sur Instagram @subecha.studio.

Crédits photos : Soumya Tahiri Treillou

Portrait chinois

Une saison : l’été, je suis une dingue de l’océan. Pour moi, c’est un gros symbole de liberté et c’est très gai !

Une couleur : Kaki. Je ne suis pas une fan absolue du vert mais celui-ci, proche de la nature, neutre et basique, se retrouve souvent dans mes pièces, comme dans mon dressing !

Une pièce de la maison : le salon, là où se passent le plus de trucs.

Une fleur : les pivoines roses

Un objet : mon carnet de notes, j’y dessine et j’écris beaucoup. C’est comme un petit morceau de moi que je trimballe !

Une odeur : le cumin, qui me rappelle le Maroc où je suis née et où j’ai grandi

Une matière : la gaze de coton, c’est l’enfance, la douceur, le confort.

Un lieu : la piscine naturelle de St Pair, en Normandie. La vraie nature sauvage et plein de bons souvenirs aussi !